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1 juillet 2020

Le vignoble bordelais débat de l’arrachage définitif de 8 à 10 000 ha de vignes sur 110.000 ha

Face au cumul de blocages commerciaux, les vins de Bordeaux envisagent une coupe drastique qui pourrait représenter -7 à -9 % du potentiel de production du premier département viticole de France. Actuellement, l’origine des fonds nécessaires pose le plus question.

Ni formalisé, ni arrêté, le futur plan d’arrachage définitif du vignoble de Bordeaux se discute en cette période de campagne de distillation et de propositions de réduction des rendements. D’après les réflexions actuellement évoquées au sein du syndicat des Bordeaux et Bordeaux supérieur, 8 à 10 000 ha de vignobles doivent être arrachés en Gironde pour répondre aux chutes des commercialisations (portant les stocks à deux ans de ventes). Premier département viticole de France, avec 110 800 hectares de vignes en production, la Gironde perdrait 7 à 9 % de ses surfaces viticoles. Si les surfaces concernées et le montant des aides restent en suspens, cette idée d’arrachage définitif se heurte surtout à la question de son financement.

Certains évoquent un soutien interprofessionnel (sachant que le Conseil Interprofessionnel des Vins de Bordeaux rembourse encore actuellement le plan d’arrachage de 2005), d’autres ciblent le plan d’aide régional (comportant un plan de rebond à court-terme et des mesures de résilience plus structurelles), tandis qu’une demande de subventions européennes pourrait être envisagée (si Bordeaux semble être la seule région française à réfléchir à l’arrachage, d’autres états membres pourraient suivre). Evoqué en fin d’année 2019 à hauteur de 5 000 hectares (avec une aide de 5 000 euros/hectare), le projet d’un arrachage girondin n’a pu être débattu par l’assemblée générale des Bordeaux le 31 mars dernier à cause de la crise sanitaire. Mais le coronavirus relance désormais le besoin d’une réduction de l’offre face à une demande en chute (les sorties bordelaises devraient être largement inférieures à 4 millions hl sur la campagne 2019-2020).

 

Alors que les débats sont ouverts, les propositions et contre-propositions affluent. Certains évoquent une aide à l’arrachage pour créer des réservoirs de biodiversité ou pour remplacer les Zones de Non Traitrement (ZNT), d’autres craignent un nouveau mitage du vignoble sous la pression urbaine. D’aucuns veulent une mesure financièrement incitative, tandis que d’autres veulent des critères forts pour éviter des rentes. La question n’étant pas tranchée par les syndicats viticoles, elle est éludée par beaucoup de leurs représentants. « Pour l’instant nous nous occupons du plan de distillation et des possibilités d’exonération des charges. Nous sommes  dans les mesures conjoncturelles, il faudra du structurel pour assainir. Peut-être que ce sera de l’arrachage, mais il faut procéder par étapes » évacue Jean-Marie Garde, le président de la Fédération des Grands Vins de Bordeaux, pour qui « il y a besoin de trésorerie, il y a le problème de la nouvelle récolte qui approche et il faut faire repartir le commerce ».

Mais d’autres élus du vignoble alimentent plus ouvertement le débat. « Avec des viticulteurs proches de la retraite et des parcelles qui ne sont plus rentables, la filière est mure pour des primes d’arrachage. D’autant plus que ces parcelles sont peu entretenues et représentent des enjeux sanitaires (notamment de flavescence dorée) » souligne pour sa part le vigneron Jérémy Ducourt, vice-président de l’AOC Bordeaux. « Il est vraisemblable que l’arrachage soit l’étape suivant la distillation pour gérer le surplus d’offre. Il est vraisemblable que l’on doive se résoudre à arriver à cette extrémité. Il faut aller vite, dès l’après vendanges 2020 » estime Claude Gaudin, le président de l’AOC Médoc. Cet Organisme de Défense et de Gestion avait, à la suite des vendanges 2019, incité à l’arrachage des parcelles peu qualitatives ou se trouvant à quelques années de la restructuration, afin de réduire les volumes disponibles.

Face au constat d’un déséquilibre commercial, tout l’enjeu d’une mécanique d’arrachage reste de rééquilibrer l’offre et la demande. « Avec une usine qui produit 5 millions hl et qui ne commercialise que 3,2 millions hl, à un moment donné il faut trouver un moyen de réduire » pose Dominique Guignard, le président du syndicat des Graves, pour qui « il y a surement des mesures à prendre pour réduire la production. Un certain nombre de viticulteurs aimeraient pouvoir diminuer leur production dans des conditions décentes. Il faut trouver un moyen de les aider ».

Même sens de la métaphore industrielle pour Jean-Samuel Eynard, le président de la Fédération Départementale des Syndicats d’Exploitations Agricoles (FDSEA 33) : « quand Renault vend moins de voitures, il ferme une usine. Idem pour le vignoble, à moins d’imposer un rendement de 40 hl/ha qui posera d’autres problèmes. Dans la situation actuelle, l’arrache est inéluctable. » Le vigneron des Côtes de Bourg estime qu’arracher 8 à 10 000 ha ne sera pas suffisant. « Ce sont d’abord les vignes les moins productives qui seront arrachées, ce qui ne changera pas la donne » prévient-il, rapportant que l’« on trouve des vignerons qui vident leurs cuveries à 750 euros le tonneau en AOC Bordeaux, 1 000 € le tonneau en Côtes, 1 200 € le tonneau en Médoc… Il n’y a pas qu’une appellation concernée, tout l’édifice est en train de vaciller. »

 

Les débats ne se cantonnant pas au seul vignoble, le négoce suit également avec attention ces questions. D’autant plus qu’« arracher, c’est une catastrophe. C’est condamner trente ans de potentiel de production ! » alerte Georges Haushalter, le vice-président de Bordeaux Négoce. Se souvenant que le gel de 2017 a débouché sur une carence de vins disponibles faisant exploser les cours, le négociant estime plutôt qu’à Bordeaux « nous n’avons pas besoin de plus d’aides sociales, mais de mesures de soutiens et d’accompagnements de l’aval. »

Pour certains opérateurs, un arrachage massif serait par essence trop définitif, alors qu’un pilotage de la production par des mises en réserve serait plus sécurisant pour lisser les aléas climatiques. « Je suis d’accord pour constituer des réserves, mais faut une aide du négoce pour porter le stock. Les responsabilités sont partagées, surtout quand on voit de gros opérateurs passer, il y a quelques semaines, des appels d’offres à 650 euros le tonneau » tacle Jean-Samuel Eynard, qui demande que « le négoce assume sa part de responsabilité. Travailler une image avec des bouteilles à deux euros en tête de gondole, ça ne sert à rien. »

Si la phase d’enregistrement pour la distillation de crise a suspendu les contrats de vrac à bas prix dans le vignoble bordelais, l’enjeu est désormais pour la filière girondine d'adopter des outils de relance commerciale et de valorisation de sa production.

d'après Alexandre Abellan de Viisphère

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