En pleine effervescence des vendanges, David Liorit ne sait plus où donner de la tête. L’œnologue en charge du château Petit Val, grand cru de Saint-Émilion, l’a pourtant bien vissée sur les épaules lorsqu’il énonce toutes les audaces de son domaine qui, en plus de verser dans le rosé sur cette prestigieuse appellation, compte produire d’ici 2019 des premières bouteilles de blanc avec du cépage riesling. Une première dans ce haut-lieu vinicole bordelais.
Au château Petit Val, fruit de deux propriétés rachetées (châteaux Petit Val et Béart) en 2014 et 2015 par les époux Alloin (les transporteurs), on cultive la différence. Et dans la salle de dégustation, les magazines qui ont consacré quelques pages voire la une au renouveau du domaine s’empilent.
« Lorsque le couple Alloin l’a racheté, ce château était une belle endormie, raconte David Liorit, également conseiller pour trois autres propriétés de la rive droite bordelaise. Les vignes n’étaient pas vraiment entretenues, le vin partait au négoce mais je sentais qu’il y avait un terroir très intéressant. » Petit Val, désormais, affiche une surface de six hectares et une approche environnementale singulière. « Pas de désherbant ni d’insecticide », assure l’œnologue qui privilégie les chevaux aux moteurs, et qui a placé des céréales dans ses rangs de vignes et même quelques ruches. Aucune revendication en agriculture biologique pour autant, « je n’ai simplement pas envie d’adhérer à son cahier des charges », précise-t-il.
Pour ce qui est du vin, il est multiple et, parfois, original dans sa conception. À l’instar d’une vinification dite « intégrale » avec une partie des raisins directement versés dans les barriques ou, pour ceux issus des vignes de malbec, dans deux amphores directement importées de Toscane : cette fabrication accouche d’une cuvée particulière intitulée la Muse du Val.
« De façon générale, je travaille comme un parfumeur, reprend David Liorit, avec un assemblage très parcellaire. À la fin, je prépare mes assemblages, seul, dans mon laboratoire. »
L’une des premières petites insolences du domaine est également d’avoir lancé sa gamme de rosé, une production peu courante sur une appellation dédiée à l’illustre rouge. Au Petit Val, ce rosé saumon se travaille avec la méthode provençale, le raisin étant pressuré sitôt vendangé.
Dernière excentricité, David Liorit s’est donc lancé dans le blanc et pas avec n’importe quel cépage, puisqu’il s’agit du riesling, s’épanouissant d’ordinaire en Allemagne et en Alsace. « Je voulais encore trouver quelque chose d’original et je me suis dit, pourquoi pas essayer du blanc ? », explique le vigneron. Un couple de cigognes aperçu au loin et l’origine alsacienne d’Olivia Alloin auraient créé le déclic. Un pépiniériste de l’Est français est finalement venu planter une trentaine d’ares de vignes au printemps dernier.
L’objectif est de produire les premières bouteilles de blanc d’ici 2019. « Nous voilà partis pour cette aventure, livre le viticulteur. C’est un pari un peu fou, je passe certainement pour un taré, mais je reste persuadé qu’on peut créer de bonnes choses. »
Parmi les autres projets du domaine à plus ou moins long terme, on trouve la construction d’une nouvelle salle dédiée à l’œnotourisme avec, notamment, des ateliers pédagogiques pour enfants et un espace d’exposition artistique ou l’ambition de créer une plantation truffière tout près des vignes. Oui, décidément, Petit Val semble s’être bien réveillé.
par Jean Charles Galiacy de Sud ouest